Photo : Léa Chanteau
Oiseau rare, comme l’on dirait d’un artiste intégral, Pierre Chanteau chante, déclame des poèmes, joue du saxophone, de la clarinette et de la guitare, promène son regard émerillonné dans la baie de Morlaix aux aguets d’une fortune de mer. Enfant démesuré, il transforme chaque instant en une éternité joyeuse. Rêveur définitif, il vit en poésie, autrement dit dans ce royaume où la merveille est une bille d’agate, un vieil outil ostréicole, un flotteur de filet de pêche, un isolateur de poteau électrique et même un papillon de vélo. Autant d’objets abandonnés sur le bord du chemin, rejetés par la mer, qu’il recueille en orpailleur ayant le goût des métamorphoses. De ce bric-à-brac, ordinairement voué à la rouille et à la moisissure, il sait faire des joyaux : lampes, horloges, jeux de fléchettes, reliquaires païens …
Braconnier de la grève et des sentiers sauvages, une triade (bois, verre, métal) suffit à son imagination pour changer une épave en totem lumineux, pour ramener à une autre fonction des matériaux naguère indispensables. Son artisanat appartient au domaine de la magie qui consiste à réveiller des choses en disgrâce, destinées à l’oubli, afin de les recouvrir de beauté finalement inaltérable.
Pierre Chanteau a plus d’une corde à son arc, et assez de tours dans son sac, pour réaliser des sculptures émouvantes, des tableaux-objets singuliers, des œuvres toujours pharamineuses. Il pratique cette sorte d’alchimie venue d’un temps où l’intuition et tous les sens s’harmonisaient.